Les clichés occidentaux propagent l'idée que les nomades vivent libres par rapport à l'espace et au temps, affranchis des contraintes des hommes sédentaires coincés entre le travail et la maison.
Mais la réalité est tout autre. Les nomades sahariens sont avant tout des pasteurs contraints de se déplacer pour assurer la subsistance de leurs troupeaux, ce qui entraine une grande dispersion des tribus toujours à la recherche des meilleurs paturages. Les nomades vivent dans une région qu'ils aiment et s'ils la quittent , c'est sous la pression de contraintes très fortes. Les déplacements sont réguliers et les itinéraires répétitifs se trouvent à l'intérieur d'une région bien définie. Le nomadisme n'est pas une errance.
Les nomades vivent des troupeaux et sont liés à une nature imprévisible. L'eau et les paturages indispensables aux hommes et aux troupeaux sont sont renouvelés chaque année de manière très variable.
Le nomade apparait en fait comme l'homme affronté aux riques naturels sans compter celui de représenter pour les gouvernements une humanité archaïque sortie directement du néolithique et qui doit s'intégrer au monde moderne qui ne peut être que sédentaire.
Un pays Touareg ?
Organisation politique
Les composants varient en importance . Les religieux sont par exemple majoritaires chez les iullemmeden Kel Denneg alors qu'ils sont minoritaires chez les kel ahaggar où Inversement les imghad sont les plus nombreux. Mais cette organisation se retrouve dans toutes les confédérations touaregues.
L'élément de base est la tribu (tawshit) qui réunit des membres se reconnaissant une même origine ou un ancêtre commun. L'importance de chaque tribu est aussi variable, pouvant rassembler de quelques dizaines à quelques centaines voir milliers de personnes. Les divers campements d'une même tribu partagent la même aire de nomadisation, appartiennent au même ettebel et se réfèrent à la même catégorie sociale.
Au fil des migrations et des guerres les différents groupements politiques se sont constitués avec des éléments qui diffèrent par leur origine, leur date d'arrivée et les conditions de leur intégration.
L'histoire de ces groupes Touaregs nous a été rapportée dans un premier temps essentiellement par les administrateurs coloniaux. Ceux-ci, le plus souvent issus de l'aristocratie française se sont intéressés uniquement aux récits des aristocrates Touaregs, occultant ceux des autres catégories et ont fortement accentué le rôle des tribus nobles dans l'organisation politique. Cette vision superficielle amena même à parler d'un "féodalisme nomade" et à établir un parrallèle entre la société des "seigneurs du désert" et celle de l'Europe médiévale.Depuis peu des auteurs ont étudié l'histoire des confédérations touaregues en se basant sur les traditions orales des tribus vassales (Dag-Ghali chez les Ahaggar, Pandolfi 1998) ou des religieux (histoire des Kel Denneg, Ajolaly 19975). Ces études ont permis une vision moins stéréotypée, montrant le rôle et l'importance de chaque catégorie sociale. Un autre type d'organisation sociale qui contrebalançaient l'organisation pyramidale est notamment apparu chez les touaregs Iullemmeden.
Cependant cette forme d'organisation politique ne constitue plus désormais qu'une façade conservée par l'administration et ne représente plus le cadre dans lequel la société touaregue peut se reconnaître. C'est donc ailleurs que les Touaregs vont rechercher le système de valeurs qui va permettre de les situer par rapport aux autres.
Identité touarègue
Les Touaregs sont connus sous une appellation qui leur est étrangère et qui n'est utilisée que par les étrangers.Selon Hélène Claudot-Hawad le terme Touareg aurait été forgé à partir du berbère "targa" qui signifie "le canal", "le creux de la vallée" et constitue l'appellation locale du Fezzan en Libye. De ce nom de lieu les voyageurs arabophone ont fait un nom de population repris plus tard par les occidentaux qui l'ont orthographié touareg. Selon Henri Duveyrier il proviendrai de la racine d'un mot arabe: "les arabes ont donné à nos tribus le nom de Touâreg et à notre langue celui de târguïa, du participe arabe târek, au pluriel toûareg qui signifie les "abandonnés de Dieu" sous-entendu parce que nous avons, pendant longtemps, refusé d'adopter le religion que les arabes nous apportaient. Mais ce nom, qui nous rappelle une situation ancienne dont le souvenir est aujourd'hui injurieux pour nous, n'a jamais été celui de notre race." (Henri Duveyrier. Les Touaregs du nord).
Les Touaregs se désignent eux-même par une appellation qui est commune à la plupart des populations de langue berbère. "Nous sommes Imûhagh, disent les Azdjer, Imocharh disent les Ahaggar et les Aouélimmiden, Imâjirhen disent les Touaregs de l'Aïr. La langue que nous parlons s'appelle temâhaq ou temâcheq selon les dialectes. Ces cinq mots, qui sont les noms de notre race et de notre langue, dérive de la même racine, le verbe iohagh, qui signifie : il est libre, ,il est franc, il pille." (Henri Duveyrier. Les Touaregs du nord).
Ces termes, Imajaghen dans l'Aïr, Imuhag dans le nord, font référence à la culture et au comportement qu'elle induit.L'identité Touaregue ne s'exprime pas par une couleur de la peau où par un type morphologique mais par une unité culturelle.
Selon Hélène Claudot-Hawad cette identité est definie par le terme temust n imajaghen. Temust signifie le corps social auquel se rattachent les individus, liés par la même identité culturelle et politique. Les traits retenus pour définir cet ensemble sont : la langue, le mode de vie, le système de valeur et l'organisation politique.Temust n imajaghen définit les contours du monde touareg, un groupe humain parlant la même langue, suivant le même code de l'honneur guerrier, possédant les mêmes références culturelles et organisé suivant un système confédéral.La société touaregue est avant tout un fait culturel et linguistique.
On peut devenir Touareg, c'est le cas des serviteurs et anciens esclaves qui ont adopté le mode de vie de la société qui les a absorbés. On peut aussi quitter les Touaregs, c'est le cas des tribus qui vivent dans les zones marginales et qui, en se sédentarisant, sont immergées dans les populations qui les environnent et perdent leur langue.
Les Touaregs possèdent un code du comportement appellé "Tekarakayt" et qui est souvent traduit par "réserve" ou "pudeur". C'est peut être cette retenue qui pousse l'homme à porter le voile et à rester à sa place.
Le port du voile, le taguelmust, est un des éléments d'identité les plus forts, communs à tous les Touaregs. La manière de le porter permet de s'identifier à une région. Le port du voile intervient après la puberté quand le jeune homme est jugé apte à tenir son rang d'adulte et qu'il le prouve en subissant certaines épreuves.
Les gestes associés à ce port du voile susbsistent encore comme une expression du code de l'honneur reproduisant les significations ancestrales. Ainsi en présence d'une personne qu'ils respectent, les Touaregs ont un réflexe : tirer sur les pans mobiles du voile pour dissimuler leur visage.
Origines des touaregs
Avant les Touaregs les légendes et les mythes font mention de gens à l'esprit borné parlant la langue tamajeq dans un dialecte spécial et grossier. Ces populations appellées "hommes d'autrefois", les Kel Iru puis les Isebeten sont peut être les ancètres des tribus vassales, les tribus nobles descendant elles des migrations plus récentes. Beaucoup de puits encore en usage sont réputés avoir été creusés par les Kel Iru.
L'Aïr est occupé avant les Touaregs par des populations noires dont on ne sait pas grand chose. Certains groupes parlaient peut être un langage proche du Songhay qui est considéré comme une langue archaïque par les linguistes et qui a pu être étudié dans quelques communautés présentes au sud ouest du massif. D'autres groupes de langues Houssa et vivant au Nigéria estiment être originaire de l'Aïr.
"Si tu nous demandes de mieux préciser les origines de chaque tribus, et de distinguer les nobles de serfs, nous te dirons que notre ensemble est mélangé et entrelacé comme le tissu d'une tente dans lequel entre le poil de chameau avec la laine de mouton. Il faut être habile pour établir la distinction entre le poil et la laine, cependant nous savons que chacune de nos nombreuses tribus est sortie d'un pays différents." (Henri Duveyrier. Les Touaregs du nord).
Les Touaregs rassemblent des populations venues souvent par petits groupes du nord du Sahara et qui ont absorbé les populations locales. Il s'agit d'un véritable brassage humain.