Remonter l' histoire de l' homme dans le temps, redécouvrir et analyser sa production artistique, tirer des enseignements et des suggestions nous permet de grandir, d' évoluer. Cela signifie aussi retrouver les traces primitives d' une iconographie et d' un graphisme qui sont encore la base de notre culture contemporaine. (Henry de Lumley).
L' art rupestre du Sahara a été révélé au grand public par Henri Lhote, notamment avec l' exposition en 1958 à Paris des relevés des peintures du Tassili N'Ajjer (Tassili de Tamrit au dessus de Djanet) effectuées durant les année 1956 et 1957. Le tassili fait alors une entrée fracassante dans l' histoire de la civilisation.Les militaires prennent ensuite le relais des explorateurs. Liées à la conquête militaire, les découvertes ont lieu à partir des centres de culture (Iherir, Illizi, Djanet ...). Les premiers relevés des sites majeurs du Tassili (oued Djerat, plateau du Medak) sont l' oeuvre du lieutenant Brenans. Il eut le mérite d' alerter les scientifiques (notamment Maurice Reygasse et l' abbé Breuil). Il fit connaître à Henri Lhote les sites qu' il avait repéré sur le plateau, notamment celui de Jabbaren. Il fut le premier à pressentir l'exitence d' un véritable art saharien. Ce fut peut être lui qui eut l' idée d' une campagne systématique de relevés des fresques du Tassili, idée reprise à sa mort par henri Lhote. Entre temps, une ethnologue suisse, Yolande Tschudi, effectue plusieurs relevés qu 'elle publie en 1956 avec une des premières tentatives de classification chronologique des oeuvres. Grâce aux croquis du lieutenant Brenans et à l' ouvrage de Yolande Tschudi l' idée que le Sahara central constitue un ensemble rupestre riche se dessine.
Si les noms des explorateurs et des scientifiques sont liés au Tassili, il convient de leur adjoindre les guides Touaregs qui sont les véritables découvreurs de ces peintures. En premier lieu il faut citer Jebrine qui fut le guide de Brennans et de Lhote et l' auteur de la plupart des découvertes d' abris.Pourquoi l'art rupestre?
L' art rupestre est rarement gratuit (l' art pour l' art). Il traduit toujours une volonté de créer une image durable et d' influer sur le cours des choses. Il semble évident que les pasteurs sahariens ne se sont pas contentés de représenter des scènes de la vie quotidienne, mais qu'une grande partie de leur art rupestre a un contenu religieux. La motivation première a dû être la nécessité d' une communication, avec les autres membres du groupe ou avec des entités surnaturelles, divinités ou esprits. L' étude de l' art rupestre que pratiquent encore de nos jours des peuples que l' ont qualifie à tort de "primitifs", montre une grande diversité et une extraordinaire complexité. Les interprétations fournies par les initiés des cultures contemporaines démontrent l' impossiblité de deviner le sens des figures lorsque la tradition qui les a engendrées est perdue. Les images ne parlent pas par elles-mêmes.
On peut imaginer un extra terrestre arrivant sur terre après la catastrophe nucléaire, découvrant dans tous les villages des sortes de temples avec des images représentant un homme sanguinolant cloué sur une croix. Il aurait du mal à reconstituer une religion où le dieu est amour !!
Parmi les gravures bubalines ou naturalistes les images ne cherchent pas à représenter des scènes de la vie quotidienne, on y voit par contre des géants dans des illustrations de récits mythiques, des danses, des personnages masqués et les espèces animales représentées ne sont aucunement un reflet de la faune de l' époque. Dans le monde des peintures de l' école des "têtes rondes" on est encore plus loin de la vie quotidienne. Presque tout dans cet art demeure opaque à nos yeux. Et si dans de nombreuses images nous ne pouvons reconnaître que de simples représentations animales, souvent des bovins, il est fort possible qu' au sein de la société des artistes elles aient été le support d' un symbolisme particulier. En effet de nombreux indices picturaux montrent que les pasteurs sahariens attribuaient une valeur mythique à leurs bovins. On sait aussi que les habitants du Sahara pratiquaient des sacrifices de bovins qu' ils inhumaient ensuite (sépultures de Mankhor, de l' Adrar Bous, de Nabta Playa). Ainsi les arts peints et gravés des périodes anciennes sont toujours emprunts de religiosité. Le contraste est total avec les oeuvres des périodes plus récentes, "caballine" et "caméline", où l' on trouve bon nombre de représentation de guerriers, souvent montrés en action de combat ou de chasse. Ceci témoigne d' un monde qui n' a plus grand chose en commun avec celui des images anciennes. On peut penser que ces modifications sont dues à l' arrivée des premières populations méditérranéennes (berbères) porteuses d' une idéologie en rupture avec les croyances des anciennes populations sahariennes.
Personnages avec des batons de jet. Style d' Abaniora.